![]() J.D. Salinger, L'attrape-coeurs. Paris,
Robert Laffont, coll. "Pocket", 1981, 252 pages. |
Première gourmandise durant cette période festive de printemps, une lecture exquise tombe entre mes mains délicates pour le plus grand plaisir de mes études, « L’attrape-cœurs » de Salinger. Avec une immense délectation, j’ai dévoré ce dessert livresque, satisfaisant ma voracité littéraire. Retour sur un entremets des plus onctueux de ma carrière d’enseignant.
Référence magistrale dans la culture occidentale, Jerome David Salinger est un écrivain du XXe siècle, auteur du très célèbre roman « L’attrape-cœurs ». Publié en 1951 aux Etats-Unis, il sera d’abord censuré et banni des bibliothèques – à cause des nombreux thèmes abordés comme le décrochage scolaire ou la prostitution, sujets osés pour l’époque – avant de devenir une oeuvre colossale vendue à plus de soixante millions d’exemplaires dans le monde. Outre Atlantique, il est d’ailleurs devenu un roman de qualité, intégrant les listes de lecture dans les lycées américains. Quel est le menu à la carte de Salinger ? Issu d’une famille bourgeoise new-yorkaise, Holden Caulfield, adolescent en crise, décide de partir de chez lui vagabonder durant trois jours à travers New York, suite à une énième expulsion du lycée. Préférant éviter toute confrontation avec ses parents car il ne peut leur révéler son décrochage scolaire, le jeune garçon erre dans la Grosse Pomme, apprenant alors différents messages de la vie au détour de situations cocasses et – parfois – choquantes pour le lecteur. Avec un style oratoire et très souvent elliptique, le romancier parvient à garder le lecteur en haleine tout au rythme du récit en utilisant diverses stratégies qui captent son attention. Employant un niveau de langage assez familier, on se retrouve confronté à un ouvrage où le code oral prend toute son importance durant le récit. Il est ainsi récurrent de retrouver des grossièretés voire des insultes comme lorsque Holden, rencontrant une jeune fille de son âge à New York, pense alors l’idée suivante à l’égard de cette autre jouvencelle : « Ouah. Une femme du monde. Putain, une reine. ». Le lecteur n’est certainement pas décontenancé étant donné que le protagoniste précise son manque de vocabulaire à cause de son jeune âge, dès le début du livre. De plus, Salinger n’hésite pas un seul instant à introduire des thématiques indécentes (telles que l’échec scolaire, la sexualité chez l’adolescent, la prostitution infantile, l’alcoolisme, l’homophobie, …). Certains lecteurs penseront qu’il est tantôt dérangeant, d’autres qu’il est plutôt innovateur. L’auteur incorpore ainsi des intrigues autour de la prostitution, de la cigarette, du dégoût de l’âge adulte, … Tous ces sujets s’enchaînent les uns à la suite des autres, se croisant au détour d’un chapitre parfois. Néanmoins, même si certains thèmes peuvent heurter la sensibilité du lecteur, il ne peut qu’apprécier le récit grâce à la langue populaire adoptée par l’auteur. En lisant ce roman, on se rend également compte que le jeune Holden Caulfield désire rester un enfant, abhorrant les adultes. Cet adolescent, être à mi-chemin entre le monde de l’enfance et celui de l’âge mûr, ne cesse de rappeler différentes œuvres apologétiques de l’enfance, comme « Peter Pan » de J.M. Barrie. Durant tout le récit, il est observable que le jeune garçon affectionne les enfants ; il faut d’ailleurs souligner qu’il vénère sa sœur cadette, qu’il caractérise de manière très élogieuse : il dit d’elle qu’elle est maligne et perspicace, qu’elle donne de bons conseils, … Qui plus est, Holden raconte, dans un passage prodigieusement émouvant et attendrissant, son passé où son jeune frère, Allie, était encore vivant. A présent décédé des suites d’une leucémie, une profonde vénération est éprouvée à son égard par Holden, qui n’hésite pas à affirmer quel génie était son petit frère. A contrario, on observe une profonde aversion pour les adultes : leur société est gouvernée par l’aspect pécuniaire, où la tentation de l’argent, des assuétudes infâmes et une pléthore de responsabilités sont les piliers de ce microcosme. De suite, le livre de Salinger m’a alors rappelé celui de Barrie ; un parallélisme simple pourrait donc être effectué où l’on pourrait certifier que Holden ne serait qu’un Peter Pan moderne, prêt à tout pour sauver l’enfance – des autres mais également la sienne – de l’influence néfaste des adultes sur la croissance. Par ailleurs, qui n’a jamais rêvé de grandir tout en gardant son âme d’enfant ? Un dessert savoureux que l’on grignote avec passion, ce livre ne vous décevra pas. Prêt à plonger dans un univers américain où sexualité, quête de soi et sentimentalisme s’y retrouvent mêlés les uns avec les autres ? D’une plume exquise, je vous garantis que cet auteur en séduira plus d’un avec les mille saveurs délectables qui ressortent de ce chef-d’oeuvre succulent. Je n’aurai donc qu’un seul conseil à vous donner pour commencer cette lecture : laissez-vous attraper sans résister et croquez-le à pleine dent. |
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